jeudi 3 décembre 2009

Prose 3

Les Mots
(2005)
Janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet, aôut. Des mois de l’année … mais des mots qui fonctionnent pour donner un nom au temps qui passe. C’est vrai, parfois on se perd dans la terminologie... Le temps ne passe pas, il est inerte. Ce sont les mots qui passent.
Ça, elle a dû le comprendre après. Encore une raison de plus pour expliquer la dureté du debut. Elle n’avait pas de prénom, elle etait la troisième personne du singulier.
L’été de sa naissance etait beau est ensoleillé. Le lundi de sa naissance sa mère criait de douleur, elle, pleurait j’espère que de joie. Elle etais née au bout de quelques heures d’attente nevrotique. On l’a mise dans une espèce de bulle pour vivre et surtout survivre au stress de sa naissance. Personne n’était près d’elle, elle était seule. Elle a compris la solitude.
Elle regadait d’un regard effrayé les gens qui l’entouraient et ne comprenait pas pourquoi il y a toujours une femme près d’elle qui la regardait avec amour et un peu d’inquiètude.
Lundi , elle a été sortie de là pour qu’elle puisse vivre normalement. Vers le soir, elle est rentrée chez elle. Le lendemain, on a fêté sa présence parmi nous. Nous lui avons souhaité un bon voyage sain et sans faille dans la vie.
Mardi elle m’a dit son premier mot, a regardé mon sourire, a rien dit, mais a comprit que les mots ont du pouvoir.
Dès le premier jours de son apparition elle était enfermée dans un monde sans paroles, sans mots, sans rien. Elle ne savait pas les prononcer, mais lisait leur sens dans le movement des lèvres. Elle aimait lire les mots qui inspirent, qui donnent le pouvoir et le desir, la haine et l’angoisse. Elle soupconnait que les mots nous brisent, les mots nous aident, les mots nous pardonnent, les mots nous chatouillent, les mots nous blaissent, les mots nous caressent, les mots nous trahissent, les mots nous sont fidèles, les mots c’est Nous.
Elle s’est mise à parler trop tard, mais trop tôt pour elle. Elle se regalait dans ce monde d’un mirroir triple : le monde du silence, le monde des môts, le monde de l’impossibilité de s’exprimer là, ou les mots sont perdus dans le chaos des textes et des discours.
Janvier, fevrier, mars,avril, mai, juin, juillet, aôut… Le temps est impassible, mais on vieillit. Elle non plus n’a pas pu échapper à cet ordre des choses.
Mercredi elle m’a raconté une histoire. Elle voyageait beaucoup, surtout dans le pays des rêves. Un trajet qu’elle s’est fait toute seule, un trajet à elle. Elle partait souvent dans ce pays et ne voulait personne la raccompagner. Elle voulait rester seule dans son monde étrange, mais qui lui appartenait. Elle etait une étrange qui était une parfaite étrangère dans un monde de la réalité qui lui faisait mal.
Mais la vie continue et jeudi elle est allée a l’ecole. Elle croyait trahir le silence et la literature qu’elle abandonnait pour un moment. Surtout, elle croyait trahir le monde de son enfance ou elle a laissé comme gage de retour ses souvenirs. Un enfant etonnant qui franchissait le seuil de l’école mais qui restait la troisième personne au singulier, meme s’il était le premier. Quand elle avait mal, elle pouvait se recueillir à la tombe de ses voeux imaginaires qu’elle faisait à quelqu’un qu’elle ne connaissait pas encore.
Puis, le temps m’avait fait oublié qu’elle existait encore. Les jours passaient à côté de moi, sans me faire pardonner mon absence. Elle etait toujours la. Elle m’attendait pour le dernier bonsoir. Je l’ignorais, car la vie ma pris dans son chaos et son oubli. Elle voulait me dire ’’je t’aime’’. Des “je t’aime” comme de souffles de vent, legers, mais en aucun cas passagers. Elle etait ma fille aimée et je l’aimais. Elle a grandi beaucoup depuis le jour d’été. Elle avait de grands yeux clairs qui me regardait tout droit et qui voyait le fond de mon ame.
Samedi, elle m’a demandé qui serait auprès d’elle quand elle se perdra dans ses mots, dans les mots de chacun et dans leurs sens ? Tu es folle, je lui ai dit, tu es encore trop jeune penser à tout ca. Mais non, elle m’a repondu, c’est toi, tu refuses la réalité, tu refuses la connaître, la subir. .. Tu préfères t’enfuir, d’oublier, à ne pas comprendre, c’est plus facile, il n’y a pas d’obligation de vivre, d’être responsible de son existence. Tu comprendras plus tard, après, elle m’a dit. Apres quoi, je lui ai demandé. Elle m’a dit qu’elle utilisait les mots pour mourir, car elle n’a pas sû les utiliser pour vivre, qu’elle utilise les mots pour se reconcilier avec son âme et avec ses rêves tant cheris mais perdus dans l’immensité du monde.
Dimanche sera pareil, ensoleillé et beau comme le jour de sa naissance. Ce jour il y aura personne pour lui dire des mots qui apaisent le chagrin, qui essuient les larmes. Dimance va arriver bientôt, c’est la fin d’une semaine qui couronne l’oeuvre de chacun d’entre nous. Elle etait mon enfant cherie à qui j’aurai donner mon âme.
Les môts nous crispent, les mots nous croisent, les mots nous percent, les mots c’est Nous. Si on pouvait changer les mots, on pourrait changer Nous. Elle a compris ce changement. Elle a eu peur de l’eternelle. Elle ne savait pas que l’eternelle etait elle, mais sans “etern”.
Lundi j’avancerai , je vivrai les semaines à venir de la même manière. La vie m’apprendra à comprendre les moindres choses qui m’arrivent, à comprendre qu’il faut vivre et ne pas exister. Je continue mais je ne bouge pas. Je reste debout ou je tombe… Mais j’espère .. Et c’est ça ce que me sauve de moi-même.
Si le Verbe est le corps, le Mot est l’âme. Je n’etais qu’un mot.